dimanche 29 juin 2008

Escale à Caen



Après avoir escalé à Carentan et Ouistreham – le village de l’Ouest – Dreknor a remonté l’orne hier après midi pour venir s’amarrer quai Vendoeuvre dans le bassin St Pierre de Caen. Le fier drekki bouscule le temps et le voir glisser ainsi au milieu des grééments modernes, clin d’œil à l’histoire, nous rappelle qu’un texte de 1025 parle d’un domaine rural, Cathim, sur la rivière Oulne (orne). Le bourg, Darnétal, a obtenu des privilèges de Richard II, afin d’y attirer des habitants. Dreknor, symbole vivant de la région, est ici chez lui et nombre de caennais ont pu l’admirer ce matin avant qu’il ne quitte le cœur de la ville pour rejoindre la mer. La basse vallée de l’orne et Ouistreham, à son embouchure, possédaient de nombreux chantiers navals. Les charpentiers normands, héritiers des techniques de bordage à clins introduites par leurs ancêtres venus du Nord, construisirent ici de nombreuses nefs pour la flotte du duc Guillaume…
Photos : Jean-Claude Girard Normandie Héritage

mercredi 25 juin 2008

Premiers bords






Mardi 24 juin 2008

08h00 Dreknor largue ses amarres et quitte le port des Flamands à Tourlaville. Grand beau temps. Quelques instants plus tard, la passe de l’Est est franchie. Nous sommes en mer pour la première fois et naviguons à 5 nœuds, accompagnés de la Croix du Sud qui nous servira de conserve jusqu’à Barfleur. Nous établissons une liaison VHF sur le canal 72. Les deux navires seront bord à bord à plusieurs reprises et nous échangerons quelques saluts à grand renfort de cornes comme autant de cris joyeux. Je mets en route maxsea ce logiciel de navigation expérimenté à bord de Soleil Noir est riche d’informations et je vois la côte du val de Saire défiler progressivement au rythme de l’avance régulière de notre karv. Mes pensées plongent vers ce temps où les vikings naviguaient dans ces eaux là. Le Cotentin porte trace de leur passage en de maints endroits.
11h30 nous faisons des ronds dans l’eau en attendant le moment propice pour aller nous amarrer au bout du quai à Barfleur. Notre Drekki pointe sa silhouette unique vers le port où Guillaume trouva son pilote pour faire route vers Pevensey en 1066. Dreknor salue le souvenir du Mora, le navire offert au duc de Normandie par sa chère épouse Mathilde. Le soleil écrase le pont, il fait chaud sous le vent du quai, celui-ci est occupé par de nombreux curieux qui découvrent ce navire revenu du fond des âges. Nous débarquons et le pot offert au comptoir de la presqu’île nous va droit au cœur. Le prince des Comores est aux manettes et distribue largement ses bières régénératrices. Première escale et premier ravitaillement en saucisses – frites, nous goutons l’instant présent, départ vers St Vaast après une manœuvre subtile dirigée par Jean-Pierre qui nous permet de pointer l’étrave à nouveau vers le large.
Au large de l’ile de Tatihou nous décidons d’envoyer la toile. Mise en position de la vergue sur le plat bord après l’avoir fait pivoter. Largage des garcettes. Paré à hisser ! le palan de hissage est mis en action, l’effort est important et progressivement les 120 m2 de toile apportent leurs ombres dansantes sur le pont. Réglage des boulines, nous brassons un peu. Nous naviguons au grand largue, les moteurs sont coupés. Silence et perception immédiate du bruit des filets d’eau qui caressent la coque. L’émotion envahit le bord. Le karv retrouve avec bonheur son mode de propulsion naturel. Nous filons 3 nœuds, 3 nœuds et demi dans une petite risée. Le bonheur est sur l’eau. Ces premiers bords se déroulent au large de St Vaast et Quettehou. L’esprit de Ketill, le viking qui a donné son nom à l’endroit, veille sur nous. Pour la première fois, nous sommes dans les conditions identiques à ces hardis navigateurs. Nous réglons les bras d’écoute, le navire glisse sur l’eau, l’orm impose son impressionnante présence. Christopher est à la barre, plus vrai que nature. Le temps est aboli. La magie s’invite à bord…
nota: les photos et illustrations peuvent être agrandies en cliquant dessus

lundi 16 juin 2008

Baptème





Samedi 14 juin 08

« il y a le drapeau Norvégien » souligne M. Bjorn Skogmo. Monsieur l’Ambassadeur Royal de Norvège est visiblement ravi de cette attention particulière. Dreknor a non seulement les couleurs norvégiennes en tête de mat mais le grand pavois présenté dans l’ordre prescrit par l’étiquette maritime déploie ses pavillons et flammes qui flottent sur fond d’azur, caressés par une petite brise de noroit.
Nous nous dirigeons vers le bord du quai, M. Skogmo prend une photo du fier navire dont il sera le parrain dans quelques instants. Il monte ensuite à bord, accueilli par Marc qui lui présente les bénévoles ayant œuvré à la construction. Il est attentif aux explications techniques du chef de chantier et prend rapidement la mesure du travail accompli. Le résultat est remarquable. Il le dira plus tard dans son discours « le Dreknor est la plus belle réplique du Gokstad » le compliment avancé par les spécialistes du musée d’Oslo, relayé par M. Skogmo, sera salué par des applaudissements de la nombreuse foule, massée sur les bords du quai. Pour l’heure, la parole est à Nathalie dont l’intervention très applaudie également retrace avec talent toute l’aventure de ce magnifique projet. Je filme l’intégralité de son discours, je ne veux pas en perdre une miette. Les élus prennent la parole et la Normandie retrouve sa fierté à plusieurs reprises, les liens ancestraux avec le Nord sont évoqués avant que Monsieur l’Ambassadeur n'intervienne à son tour. L’émotion commence à devenir palpable et Nathalie, à l’issue de son intervention, lui passe la poterie contenant la cervoise. Le plat bord à tribord est copieusement arrosé, le pantalon de son Excellence reçoit quelques gouttes, les applaudissements fusent…
La magnifique sculpture de Dreknor exécutée par Mathieu est remise à M. Skogmo. Nouvelle séance de photos. Belle interprétation de l’hymne norvégien par l’école de musique de Cherbourg suivi de « ma Normandie » les cuivres étincellent sous le soleil et s’harmonisent avec la couleur miel du pont en bois de pin. Marc remet une bouteille de Calvados à M. Skogmo, souvenir incontournable lorsqu’on passe en terre normande. Quelques moments plus tard, je recueille ses confidences sur le quai, « c’était une belle cérémonie » l’homme très affable, est peu bavard et ces mots prennent soudainement tout leur poids alors que nous nous dirigeons vers la mairie de Cherbourg.

mercredi 11 juin 2008

Mise à l'eau





Mardi 10 juin 08 11h30
Sous un ciel d’azur immaculé, Dreknor s’ébroue et commence à avancer, tracté par l’imposant camion de Francis. L’Emotion des bénévoles est palpable, le chantier ne sera plus comme avant. Les 23 mètres de la coque passent devant des regards attentifs. Quelques minutes après, approche de la cale de mise à l’eau au port des Flamands de Tourlaville. La manœuvre est délicate. Le bateau est mis en position, l’arrière devant toucher l’eau en premier, l’étrave est face à la cabine du monstre de puissance piloté par Francis. Notre drekki a de nombreux chevaux devant lui qui le guident dans sa lente descente. « pas d’affolex » comme le soulignera un peu plus tard Jean-Pierre, tous sont en effet concentrés et, après avoir touché l’eau, le bateau soulage et se décolle de sa remorque – ber. Les défenses sont à poste, on l’amarre le plus à l’est possible pour éviter tout talonnage. Un peu d’eau envahit les fonds. Normal pour une coque de bois de chêne restée plus d’un an au sec. Il se place dans ses lignes d’eau, l’avant un peu au dessus de sa position normale, le poids des deux Volvo à l’arrière nécessite un lest sur l’avant, il sera embarqué un peu plus tard en début d’après midi. 12h30 la manœuvre est terminée. Dreknor a rejoint son élément naturel. Nous regagnons le chantier pour prendre un verre et partager un repas fort animé et joyeux.
Mâtage et mise en place des cadènes des haubans. Marc décide une première sortie technique sur la rade pour essais des moteurs. On largue, le navire cule, la proue se pointe vers la sortie du port, en avant lente, le moment est extraordinaire, nous glissons sur l’eau avec aisance. Les deux Volvo Penta font merveille, au minimum de leurs possibilités, ils propulsent Dreknor déjà aux alentours des 6 nœuds. Le soleil nous écrase, les visages sont radieux, Jean-Pierre est enthousiaste, il va vers l’avant et laisse échapper un cri de profond contentement. L’espace sur le pont est impressionnant, chacun grave cet instant dans sa mémoire. Virement de bord alors que nous approchions un peu de la passe de l’Est. Pas question d’aller plus loin, notre équipement sécurité est réduit, nous rentrons. Denis s’approche, il veut que je prenne la barre, je m’éxécute, ému, Francis est aux commandes moteurs à mes cotés, nous parlons à voix basse, je pointe l’avant vers les flamands, et laisse mon esprit le plus ouvert possible, capteur des dimensions du navire, des premières sensations données par le grand stiry qui plonge son safran à tribord. Une accelération un peu vive et il décapèle son collier de cuir, nous rattrapons le gouvernail, sanglé, il revient à poste, le collier de cuir trop fragile sera remplacé par du métal. Le gouvernail a toujours été le point fragile de ces navires de légende. Nous nous amarrons en douceur. Dreknor passera sa nuit dans la discrétion du port Tourlavillais.